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Rencontres Latines - 2023

Avec le soutien de :                                      du Fonds Alexis Lienard géré par la Fondation Roi Baudouin

La 37e édition des "Rencontres latines – Concours de version latine "Marius Lavency"- se déroulera le mercredi 15 mars 2023 de 09h00 à 13h00 à l'Université Catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve. Ce concours est destiné aux élèves de 6ème option latin.
Plus de 350 élèves  de 6e de l'enseignement libre francophone et germanophone ont répondu à l'appel.
Bravo à tous les participants !

(Pour s'y rendre : https://uclouvain.be/fr/decouvrir/access-louvain-la-neuve.html)

 Documents à télécharger en version imprimable :

1er envoi (cliquez ici pour 1 & 2 / cliquez ici pour 3 / cliquez ici pour 4)
  1. l'invitation adressée aux directions des établissements d'enseignement secondaire de l'enseignement libre francophone et germanophone
  2. l'invitation aux professeurs de langues anciennes
  3. un bulletin d'inscription des élèves
  4. un bulletin d'inscription comme surveillant (le matin), correcteur (l'après-midi)
2ème envoi

Présentation du concours et Programme de la journée

L'objectif principal du concours, destiné aux élèves de 6ème option latin, est de permettre à de jeunes latinistes de tous horizons de se rencontrer autour d'un texte de Cicéron et de se mesurer avec lui. Dans cette optique, tout élève est le bienvenu. Il s'agira aussi de sélectionner les participants au concours international de version latine à Arpino (Italie).

dès 9h : accueil des participants
10h : début de la version (extrait d'une œuvre de Cicéron ; grammaire, dictionnaire ou lexique autorisés; pas de
                                                  notes de cours
)
13h : fin du concours - début des corrections
14h00 : activités de l'après-midi pour les élèves
16h30 : correction collective pour les élèves
17h30: proclamation des résultats

(sommaire)

Texte de la version

Pas de vraie amitié sans vertu

Contexte

En 44, Cicéron rédige le ‘De Amicitia’, où il met en scène Caius Laelius (consul en 150), qui partage ses idées sur l’amitié. Pour lui, les liens d’amitié reposent notamment sur l’honnêteté, laquelle peut émouvoir les coeurs. Ils supposent en outre une bonne dose de confiance en soi.

 

Nihil est uirtute amabilius, nihil quod magis adliciat ad diligendum.

C’est ainsi que vertu et honnêteté nous attachent même à des personnes que nous n’avons jamais vues. Qui est-ce qui peut songer à Caius Fabricius, à Manius Curius [deux héros modèles de vertu],
sans éprouver pour eux quelque sympathie, alors qu’il ne les a jamais vus ?

[Et inversement]    Quis est qui Tarquinium Superbum non oderit ?

Cum duobus ducibus de imperio  in Italiā est decertatum, Pyrrho et Hannibale.
Ab altero propter probitatem eius non nimis alienos animos habemus ; alterum propter crudelitatem semper haec ciuitas oderit.  Quod si tanta uis probitatis est, ut eam
uel in eis quos numquam uidimus, uel in hoste [= Pyrrho] etiam diligamus,
quid mirum est, si animi hominum moueantur, cum eorum, quibuscum coniuncti esse possunt, uirtutem et bonitatem perspicere uideantur ? (…)

Vt enim quisque sibi plurimum confidit et ut quisque maxime uirtute et sapientiā
munitus est, (…), ita  in amicitiis expetendis colendisque  maxime excellit.

 Cicéron,De Amicitia, 28-29 + 30   

Vocabulaire

 

ligne 1 :  quod : pronom relatif   ;   adlicere, io, lexi, lectum  ad + acc. :  amener à

               diligere, o, lexi, lectum :  estimer, aimer

l. 2 + 5 :  odisse, odi : haïr, détester

l. 3 :  decertare cum + abl. : combattre contre ; decertatum est (impers.) : « on a combattu »

l. 4 :  alienos animos habere ab + abl. : avoir l’esprit hostile à, éprouver de l’antipathie pour ;  nimis, adv. : trop

l. 5 :  quod si : or si, si par ailleurs

l. 7 :  quibuscum  = cum quibus  ;  coniungere, o, iunxi, iunctum : unir, lier

l. 8 :  perspicere, io, spexi, spectum : reconnaître, voir ; uideri, eor, uisus sum :  sembler, paraître ; croire, penser

l. 9 :  Vt quisque sibi plurimum confidit : littéralement : « De même que chacun se fait le plus confiance

                                                                        à soi même  => « Tous ceux qui ont le plus confiance en eux-mêmes »

l. 9-10 :  Vt..., ita... : De même que..., de même... ;    munire, io, iui, itum :  fortifier, renforcer

 

(sommaire)

Traduction de la version

Traduction de la Lauréate Adèle SILLEN du  Lycée Martin V à Louvain-La-Neuve

 Il n’existe rien de plus appréciable que la vertu, rien qui ne nous pousse davantage à aimer. (…)

Qui est-ce qui ne détesterait pas Tarquin le Superbe ? Nous combattîmes deux généraux, Pyrrhus et Hannibal, pour la suprématie en Italie. Nous n’étions que faiblement hostiles au premier en raison de son intégrité ; mais cette cité a toujours haï le second à cause de sa cruauté. Or, s’il existe une force morale si grande que nous l’appréciions même chez ceux que nous n’avons jamais vus, voire même aussi chez un ennemi, peut-on s’étonner si les cœurs des hommes s’émeuvent, quand ils pensent reconnaître la vertu et la bienveillance de ceux avec lesquels ils ont la possibilité de se lier d’amitié ? (…)

Tous ceux qui disposent d’une grande confiance en eux, et tous ceux qui sont pourvus d’une immense vertu et sagesse, tous ceux-là excellent à la mesure de leurs qualités en termes d’amitiés qu’il faut désirer et cultiver.

 

Traduction  "Les Belles Lettres"
(Traduction de François Combès., Les Belles Lettres, 1998)

Rien n’est plus aimable que la vertu, rien n’inspire autant d’attachement. (…)

Qui (par ailleurs) ne déteste Tarquin le Superbe (Spurius Cassius ou Spurius Maelius) ? Deux hommes de guerre nous ont disputé la domination de l’Italie, Pyrrhus et Hannibal : la loyauté du premier nous empêche d’avoir pour lui trop d’antipathie, la cruauté du second le fera toujours détester de notre cité. Si donc l’honnêteté agit si bien sur nous que nous l’aimons chez des personnes que nous n’avons jamais vues et (même mieux) chez un ennemi, faut-il s’étonner que l’homme soit touché quand il croit voir vertu et probité chez des personnes avec qui il peut se lier ? (...)

En effet ceux qui ont le plus confiance en eux-mêmes, qui peuvent le plus compter sur leur valeur et leur sagesse, (au point de n’avoir besoin de personne et de penser qu’ils ont tout en eux-mêmes), ceux-là excellent toujours à se gagner des amitiés et à les cultiver.

 
 

Traduction, "Itinera Electronica"
(Traduction de Charles Appuhn, Garnier, 1933 

Rien n'a plus d'attrait, rien ne se fait plus naturellement aimer que la force d'âme (...) Et qui (en revanche) n'éprouve pas de la haine pour un Tarquin le Superbe, (un Spurius Cassius, un Spurius Mélius) ? Il y a eu deux ennemis avec qui nous avons lutté pour la maîtrise de l'Italie, Pyrrhus et Hannibal ; contre le premier, nous n'avons pas d'aversion parce qu'il avait le caractère droit, l'autre au contraire sera toujours odieux à Rome à cause de sa cruauté.

Si tel est le pouvoir de la droiture qu'elle se fait aimer de nous, même dans des êtres que nous n'avons jamais vus et, (chose encore plus significative), dans des ennemis, quoi d'étonnant si l'âme est touchée quand on découvre de la vertu et de la bonté dans des hommes avec qui l'on peut entretenir un commerce étroit ? (...)

C'est précisément dans la mesure où l'on est sûr de soi, bien armé de sagesse et de vertu, (quand on n'a besoin de personne et qu'on se suffit pleinement à soi-même), qu'on est dans les meilleures conditions pour se faire des amis et cultiver l'amitié.

 

 

(sommaire)

Résultats :

   1. SILLEN Adèle, Lycée Martin V à Louvain-La-Neuve

   2. CHANTRY Noé, Collège Notre-Dame à Tournai

   3. WEZEL Augustin, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

   4. DIETRICH Kincsö, Centre scolaire Saint-Michel à Etterbeek

   5. ROGGEMANS Juliette, Notre Dame des Champs à Bruxelles

   6. PREUDHOMME Alice, Pater Damian Sekundarschule à Eupen

   7. GUILLAUME Bastien, Institut Saint-Joseph à Libramont

   8. KERVYN DE MEERENDRE Alix, Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles

   9. ROUSSEAU Anastasia, Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles

   10. SNAUWAERT Marie, Centre Educatif Saint-Pierre à Leuze-En-Hainaut

   11. PARMENTIER Kiara, Collège Saint-Michel à Gosselies

   12. BOUCHAT Maria, Collège Sainte-Croix et Notre-Dame de Hannut à Hannut

   13. PAUWELS Victor, Saint-Augustin à Enghien

   14. DU BOIS Lucie, Collège Saint-Augustin à Enghien

   15. LÉONARD Céline, Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles

   16. LOMBARD Thomas, Institut Saint-Albert à Jodoigne

   17. DAHDAH Joe, Centre scolaire du Sacré-Cour de Jette à Bruxelles (Jette)

   18. DEHESSELLE Bérénice, Pater Damian Sekundarschule à Eupen

   19. WAUTELET Adeline, Collège Sainte-Croix et Notre-Dame de Hannut à Hannut

   20. PIERRARD Thomas, Institut Saint-Joseph à Libramont

   21. MUHIRE Lena, Institut de la Vierge Fidèle à Bruxelles



Ont obtenu une mention : 

ANDARY Alexia

BAUDOT Valentine

BAUTERS Gauthier

BROEKMANS Pauline

CAMBERLIN Lucie

DETAILLE Célestin

DEWEZ Éloïse

GHAILANI Louna

HEBETTE Maguy

HOUBRIGTS Sophia

KAYIRANGA Trinité

LAMBOTTE Maxime

LIBAN Julie

MICHAUX Maéva

 

NOWAK Fanny

POKET Roxane

QUIVY Maxime

RAZEE Juliette

SCHAKMAN Camille

SMARA Amel

SOKOLI Angjela

SWIJSEN Scott

VAN GRUNDERBEEK Katia

VERBEKEN Noé

VERBROUCK Timothé

VERECKEN Thea

VERPOORTEN Matthieu

VIN Louise

 

Organisateurs, comité scientifique, comité d'honneur

Président d’honneur
Yves TINEL (Fondateur des « Rencontres latines ») 

Président
Didier XHARDEZ (Professeur à l'Université Saint-Louis -Bruxelles et sous-directeur au Collège Saint-Michel-Bxl)

Comité scientifique :

Dominique LONGREE (Professeur à l'ULg  -  Professeur à l'USL)
Muriel LENOBLE (Docteur en Langues et Littératures classiques)
Paul PIETQUIN (Chargé de cours à l'ULg)
Didier XHARDEZ (Professeur à l'Université Saint-Louis -Bruxelles et sous-directeur au Collège Saint-Michel-Bxl)

Comité organisateur :

Christelle DECROËS
Jean-Claude DUPONT
Noëlle HANEGREEFS (honoraire)
Michel ROSSEEL
Eric SCARPA
Marie-Luce VERHASSELT

 

(sommaire)

Comité d'honneur :

Monsieur JEHOLET, Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Madame DESIR, Ministre de l'Éducation

Monsieur MATHEN, Gouverneur de la Province de Namur

Monsieur BLONDEL, Recteur de l'UCLouvain

Madame CASTIAUX, Rectrice de l'UNamur

Monsieur JADOUL, Recteur de l'Université Saint-Louis Bruxelles

Madame NYSSEN, Rectrice de l'Université de Liège

Monseigneur HARPIGNY, Évêque de Tournai

Monseigneur WARIN, Évêque de Namur

Madame EVRARD, Députée provinciale en charge de l'Enseignement Province de Brabant Wallon

Monsieur MICHEL, Directeur Général du SeGEC

Monsieur FAIRON ,Doyen de la Faculté de Philosophie, Art et Lettres de l'UCL

Monsieur DESMETTE, Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université Saint-Louis

Monsieur FLAMENT, Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres à l'Université de Namur

Monsieur ASSENMAKER, Directeur du département de Langues et littératures classiques de l'Université de
         Namur et Professeur en Faculté de Lettres à l'UCLouvain

Monsieur MEUNIER, Professeur en Faculté de Lettres à l'UCLouvain

Monsieur MEURANT, Professeur Émérite en Faculté de Lettres à l'UCLouvain

Monsieur POUCET, Professeur Émérite de la Faculté de Lettres à l'Université Catholique de Louvain

Maître PLASSCHAERT, Bâtonnier du Barreau de Bruxelles

Monsieur GILLARD, Délégué épiscopal pour l'enseignement- Archidiocèse Malines-Bruxelles

Monsieur MOGENET, Inspecteur des langues anciennes

Madame PONCHON, Inspectrice de langues anciennes

Monsieur DEWEZ, Conseiller pédagogique et responsable secteur

Monsieur BALZAT, Inspecteur de langues anciennes honoraire

Madame VAN OVERBEKE, Inspectrice de langues anciennes honoraire

Monsieur LITTRE, Directeur de l'Institut de Formation de l’Enseignement Catholique

Madame DE COMMER, Responsable des formations du secondaire à l'IFEC

Madame VERLY, Présidente de la FRPGL

Madame PATERNOTTE, Vice-Présidente de la FRPGL

Monsieur TULLIO, Presidente dei Associazione Laziali nel mondo (Benelux)

Madame IAFRATE, Directrice de l'Istituto italiano di Cultura


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Allocutions de :

Monsieur Pierre-Yves JEHOLET, Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles,
cliquez ici pour le lire

Madame Caroline DESIR, Ministre de l’Éducation de la Fédération Wallonie-Bruxelles
cliquez ici pour la voir et l'entendre
 

Madame Allegra IAFRATE,  Attachée Culturelle de l’Ambassade d’Italie à Bruxelles et Directrice faisant fonction de l’Institut culturel italien de Bruxelles,
cliquez ici pour lire le résumé de son intervention

du Président des "Rencontres latines", Monsieur Didier XHARDEZ

Voici la version quelque peu remaniée de l’allocution prononcée par D. Xhardez à l’occasion de la proclamation des résultats de la 37e édition des « Rencontres latines », le mercredi 15 mars 2023, à l’Université Catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve).

 

Au nom de l'équipe organisatrice de la 37ème édition des "Rencontres latines", je vous remercie de votre présence à cette proclamation. Bien sûr, l'affluence n'est pas aussi impressionnante que celle de ce matin, sans doute à cause de l'heure tardive, de la difficulté pour certains de rejoindre leur région et d’une météo incitant aux activités de plein air.

Mais clôturer cette journée dans la foulée directe du concours et des corrections, devant un public de choix, est pour nous la meilleure manière de couronner cet événement destiné à rassembler, autour du latin, élèves, professeurs et personnalités.

 

Il y a un an, notre concours s’est tenu à l’Université Saint-Louis, après deux longues années de crise sanitaire qui nous avaient contraints, pour la première fois, à annuler l’édition de mars 2021.

C’est dire combien nous sommes heureux d’avoir pu cette année encore accueillir à Louvain-la-Neuve plus de 350 rhétoriciens latinistes qui ont relevé le beau défi de la version latine.

 

Gratia mater uirtutum, « la gratitude est la mère des vertus ». Mon devoir et mon plaisir sont maintenant de remercier tous ceux sans lesquels cette journée n'aurait pu se dérouler dans les meilleures conditions.

 

Permettez-moi de saluer tout particulièrement

-          Yves Tinel, le Président-fondateur des "Rencontres latines, qui les a portées sur les fonts baptismaux en 1985. Il est accompagné de Madame Allegra Iafrate, Directrice de l’Istituto italiano di cultura qui dira quelques mots sur le concours d’Arpino auquel elle a elle-même participé.

-          le Recteur de l’UC Louvain, que je remercie vivement de nous avoir à nouveau accueillis : ouvrir ses murs à plusieurs centaines d'élèves est un réel défi qui a pu être relevé d’abord grâce au soutien des autorités universitaires, mais aussi grâce au travail de diverses personnes qui ont assumé de nombreuses tâches, parfois assez ingrates. Je remercie ainsi tout particulièrement Madame Coisman de la Cellule « Événements FIAL ».                                                                         

Merci aussi

-          aux membres du Comité scientifique, parmi lesquels le Professeur Dominique Longrée a assuré la lecture de la version.

-          aux membres du Comité organisateur. Je tiens ici à témoigner une immense gratitude à Christelle Decroës, qui, depuis 10 ans (déjà !) qu’elle a repris le flambeau, ou devrais-je dire le fardeau du secrétariat et de la trésorerie, ne ménage ni son temps ni son énergie pour assurer les multiples tâches inhérentes à l’organisation du concours. Vous n’imaginez pas les heures de travail nécessaires à l’équipe organisatrice pour rendre tout ceci possible. Merci donc aussi notamment à Eric, Marie-Luce, Michel et Paul.

Je remercie également tous les professeurs qui sont venus aujourd'hui tant pour encadrer les élèves et les soutenir moralement dans leur travail, que pour corriger les copies. Un travail de correction ô combien ardu rendu possible par la compétence et l'entraide de toute une équipe.

Et enfin merci aux 351 élèves qui ont envahi les auditoires ce matin.

 

Le texte qui leur a été proposé cette année était tiré du De Amicitia de Cicéron. Nous l’avons titré : « Pas de vraie amitié sans vertu ».  Écoutons Cicéron : « Ceux qui ont le plus confiance en eux-mêmes, qui peuvent le plus compter sur leur valeur et leur sagesse, ceux-là excellent toujours à se gagner des amitiés et à les cultiver. »

On est bien loin des « amis » de Facebook, d’Instagram ou de Tik-Tok ! Fonder l’amitié sur de vraies valeurs au-delà de l’intérêt immédiat qu’on en retirera, tel est bien le message de Cicéron. Au point que la vertu même d’un ennemi peut nous amener à l’apprécier !

Pas d’amitié sans vertu dit Cicéron ! Pas d’amitié sans un brin de folie proclame Érasme dans son célèbre « Éloge de la Folie ».

« L’amitié n’est pas moins nécessaire que l’air, le feu ou l’eau (...) ; les philosophes eux-mêmes n’ont pas craint de l’inscrire parmi les plus grands biens. Je (= la Folie) peux prouver que, de ce grand bien, je suis à la fois la poupe et la proue. (...) Connivence, méprise, aveuglement, illusion à l’égard des défauts de ses amis, complaisance à prendre les plus saillants pour des qualités et à les admirer comme tels, cela n’est-il pas voisin de la folie ? (...) C’est bien elle qui unit les amis et les conserve dans l’union. » ([1]) Et Érasme de rejoindre son cher Cicéron en écrivant plus loin : « Dites-moi si l’homme qui se hait soi-même est capable d’aimer autrui ». ([2]) 

Et voilà qu’Érasme passe de l’amitié et de l’amour à la guerre, sans coup férir :

« Qu’est-il de plus fou que d’entamer la guerre pour on ne sait quel motif, alors que chaque parti en retire toujours moins de bien que de mal. (...) La guerre est faite par des parasites, des entremetteurs, des brigands, des imbéciles, en somme par le rebut de la société, et nullement par des philosophes ». ([3]) 

« La guerre est chose si féroce qu’elle est faite pour les bêtes et non pour les hommes ; c’est une démence envoyée par les Furies, une peste qui détruit les mœurs partout où elle passe, (...) une impiété qui n’a rien de commun avec le Christ ». ([4]) 

Un passage dont feraient bien de s’inspirer certains dirigeants actuels... On ne peut évidemment s’empêcher de penser à la guerre en Ukraine (entre autres)...

La culture et les valeurs de l’Humanisme occidental, ancrées dans l’héritage gréco-latin, sont-elles si « haïssables » ? N’a-t-on pas encore compris qu’ « une civilisation qui se coupe de son histoire est condamnée à répéter les drames qu’elle a connus » ([5]).

L’immense Stefan Zweig, biographe d’Érasme, victime et contempteur du nazisme, défend admirablement l’héritage humaniste :

« (Sous le règne d’Érasme), tout homme qui aspire à la culture et à la civilisation peut devenir humaniste. (...) Un concept nouveau apparaît dans la pensée européenne : celui de l’internationalisme. Un pont vient d’être jeté entre tous les peuples par l’emploi d’une langue commune : le latin des humanistes, qui a cours partout ; il faut aussi que l'idéal patriotique cède la place à l’idéal européen, international. « Le monde entier est notre patrie à tous », proclame Érasme. (...) Au lieu d’écouter les vaines prétentions des roitelets, des sectateurs et des égoïsmes nationaux, la mission de l’Européen est au contraire de toujours plus insister sur ce qui lie et ce qui unit les peuples, d’affirmer la prépondérance de l’européen sur le national, de l’humanité sur la patrie. (...) Bien entendu Erasme sait que l’abolition de la violence et en particulier de la guerre, « ce naufrage de toute bonne chose », est la condition préliminaire pour la réalisation des idées de concorde dont il est le champion. Aussi voit-on en lui le premier théoricien littéraire du pacifisme. (...) Pour lui, Cicéron est dans le vrai lorsqu’il dit qu’ « une paix injuste vaut encore mieux que la plus juste des guerres ». « Les hommes devraient reconnaître que la guerre en soi est obligatoirement injuste, car elle n’atteint pas ceux qui l’allument, mais elle pèse presque toujours de tout son poids sur les innocents, sur le pauvre peuple à qui ne profitent ni les victoires ni les défaites. Et même quand la guerre connaît le succès, le bonheur des uns n’est que dommage et ruine pour les autres ».(...) « Jamais un prince, dit Érasme, ne doit être plus circonspect que lorsqu’il est sur le point de se mettre en guerre, et il ne faut pas qu’il se prévale de son bon droit, car quel est celui qui ne regarde pas sa cause comme la bonne ? » » ([6])

Comment ne pas s’extasier sur la sinistre actualité de ces propos ?

Et Zweig de poursuivre :

« Ce n’est pas tant ce penchant pour la violence que l’homme porte en soi qu’il faut rendre responsable de tous les grands conflits qui se sont produits au sein de l’humanité, mais bien plutôt l’idéologie qui le déchaîne et le pousse contre une partie de l’humanité. C’est d’abord le fanatisme, ce bâtard né de l’esprit et de la brutalité qui veut imposer à l’univers tout entier la dictature d’une idée en ne tolérant aucune autre forme de pensée, aucune autre manière de vivre que celle qu’il a choisie, le fanatisme qui divise la famille humaine en amis et en ennemis, en partisans et en adversaires, en fidèles et en hérétiques. » (...) La tyrannie d’une idée est une déclaration de guerre à la liberté de l’esprit et celui qui comme Érasme cherche à réunir toutes les idées en une sublime synthèse, à faire régner l’harmonie entre tous les hommes, doit considérer toute forme de sectarisme comme une attaque contre ses idées de paix. C’est pourquoi l’humaniste, l’humanitaire selon l’esprit d’Érasme n’a pas le droit de se lier à une idéologie. (...)

Pour faire cette éducation de l’humanité, l’humanisme ne connaît qu’un moyen : la culture. »

MAIS Zweig nuance ensuite le propos :

« Dans leur surestimation du civilisé, trop souvent les humanistes oublient la force originelle des instincts et leur indomptable violence ; leur confiance en la culture réduit à bien peu de choses ce problème terrible et presque insoluble de la haine des races et des psychoses de l’humanité. » ([7])

Analyse d’une bien triste lucidité !

 

 

Quoi qu’il en soit, nul ne pourra contester la force de ces références à l’humanisme, en ces murs néolouvanistes : nous sommes passés du Collège Thomas More (siège de la Faculté de droit) aux auditoires Socrate, non loin du Collège Érasme qui abrite la Faculté de Lettres.

Même s’il dut céder devant la belliqueuse hargne de Luther et la puissance populaire de la Réforme, qui pourrait nier que cet idéal érasmien constitue un socle de valeurs à défendre et à renforcer sans cesse ? ([8])

On est pourtant loin du compte, tant au niveau socio-politique international, qu’au niveau plus local de notre enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Pour n’évoquer que nos études classiques, je ne reviendrai pas ici sur les multiples agressions qu’elles ont subies, au nom d’un utilitarisme à court terme ou d’un égalitarisme mal compris (je vous renvoie au site des Rencontres latines où vous trouverez mes allocutions antérieures dénonçant les effets pervers du Tronc commun, par exemple).

Faut-il craindre avec Jean Winand ([9]) que le latin, comme déjà le grec, devienne une langue étudiée par quelques rares irréductibles, à l’instar de l’accadien ou de l’hébreu biblique ?

 

Mais trêve de réflexion, revenons à des choses plus réjouissantes !

L’objectif de nos « rencontres latines » est, avant toute autre préoccupation, de réunir des jeunes de tous horizons, quel que soit leur niveau, pour leur faire vivre que l'étude du latin ne se résume pas à leur classe dans leur école, mais peut rassembler les foules.

Cela dit, les « Rencontres latines » sont aussi un concours de version. Et tout concours doit avoir ses lauréats, qu'il a bien fallu sélectionner.  C'est là aussi une école de vie, car il serait hypocrite, irresponsable, criminel, de laisser croire aux jeunes que tout pourrait se gagner sans effort, sans qu’ils soient les principaux acteurs de leur propre avenir...

 

Les 6 premiers lauréats d’aujourd’hui auront la chance de se rendre à Arpino, en compagnie de 12 condisciples francophones et néerlandophones pour représenter la Belgique à la 42ème édition du Certamen Ciceronianum Arpinas, le concours de version latine européen d’Arpino. C’est un grand retour in situ, après 3 années de concours en distanciel, une formule en ligne qui se révéla peu confortable et donc peu prisée par les écoles.

Revoir ainsi le village natal de Cicéron accueillir plusieurs centaines de jeunes issus des quatre coins de l'Europe est une preuve supplémentaire de l'intérêt et de l'actualité de l'étude des textes anciens dans notre Europe en permanente évolution.

 

Permettez-moi de lancer une dernière salve de remerciements à toutes les personnalités et organisations qui nous ont fait part de leur sympathie et de leur soutien et qui nous permettent d'offrir ce soir de nombreux prix.

Rappelons que la F.R.P.G.L. offre au premier lauréat un prix de 300 Euros.

Nous bénéficions aussi notamment de l’aide substantielle de la Fondation Roi Baudouin.

 



([1])      Érasme, Éloge de la Folie, XIX (traduction de P. de Nolhac, Garnier Flammarion, 1964).

([2])      Ibidem, XXII.

([3])      Ibidem, XXIII.

([4])      Ibidem, LIX.

([5])      Jean Winand, in La Libre Belgique, 23 octobre 2021, p. 48.

([6])      S. Zweig, Érasme. Grandeur et décadence d’une idée, Grasset, 1935 (Livre de Poche n° 14019, 2008), p. 85-88.

([7])      Ibidem, p. 90-93.

([8])      Une autre mise en garde face à l’idéal humaniste figure dans le magnifique livre de Sylvain Tesson : La panthère des neiges (Folio, 2019, n° 6968). Evoquant l’asservissement de la nature par l’homme et la disparition des espèces animales, il assène durement (p. 160) : « Le cheminot défend le cheminot. L’homme se préoccupe de l’homme. L’humanisme est un syndicalisme comme un autre. »

([9])      Dans La Libre Belgique, 23 octobre 2021, p. 48-49.

 

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Donateurs

Pour l’attribution des prix 


Les dons en espèces contribueront à financer le voyage à Arpino des lauréats sélectionnés pour le "Certamen Ciceronianum".

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